L’insuffisance de lait maternel est citée comme la principale cause de 53,1 % des abandons précoces de l’allaitement. (1) Les études montrent que cette perception d’insuffisance repose souvent sur des évaluations subjectives de la part des mères. En réalité, la plupart du temps, le volume de lait produit est suffisant et dépend surtout de mécanismes endocrines et autocrines.
Comprendre la physiologie de la lactation et la régulation de la production de lait révèle que l’insuffisance perçue est souvent infondée. Nos experts vous expliquent comment maîtriser ces mécanismes pour une production de lait saine.
Les bases de la production de lait
La production de lait maternel commence dès le début de la grossesse avec le développement des glandes mammaires. Ce processus forme des alvéoles dans les seins, destinées à recueillir le lait. Toutefois, la production de lait ne débute réellement qu’à la deuxième moitié de la grossesse.(2)
Pendant la grossesse, les hormones, notamment la progestérone produite par le placenta, inhibent la lactation.(3) Après l’accouchement, la perte du placenta entraîne une chute du taux de progestérone, ce qui permet à la prolactine, l’hormone responsable de la montée laiteuse, de s’activer. (4)
Dès lors, les glandes mammaires commencent à produire du lait, qui est ensuite transporté par les canaux lactifères vers les alvéoles, où il est stocké jusqu’à son extraction.
Si le sujet vous intéresse, consultez notre article sur les 7 conseils pour stimuler sa production de lait.
La différence entre la production endocrine et autocrine
Le contrôle endocrine est la production de lait par la stimulation hormonale (prolactine et ocytocine). Le contrôle autocrine, en revanche, est la production de lait en réponse à la stimulation locale causée par la tétée.
Ainsi, ces mécanismes se complètent durant l’allaitement.
Le contrôle endocrine, par le biais des hormones comme la prolactine et l’ocytocine, régule globalement la production de lait. En parallèle, le contrôle autocrine ajuste la lactation en réponse à la stimulation directe des seins.
Le contrôle endocrine de la lactation
Le mécanisme endocrinien de la lactation repose principalement sur l’hormone prolactine. La prolactine joue un rôle essentiel dans la lactation en facilitant la synthèse du lait par les glandes mammaires. En plus de cette fonction permissive, la prolactine stimule également la sécrétion d’ocytocine, une autre hormone majeure de l’allaitement.
L’ocytocine est responsable de l’éjection du lait.(5) Elle agit sur les récepteurs des cellules mammaires, ce qui provoque leur contraction et propulse ainsi le lait vers les sinus lactifères, directement dans le mamelon.
Les facteurs qui limitent la production endocrine
Plusieurs facteurs peuvent impacter la production endocrine de lait en influençant les hormones. Le stress inhibe l’ocytocine, ce qui peut influencer considérablement la quantité de lait éjecté durant les tétées.
Le contrôle autocrine de la production de lait
Le mécanisme autocrine repose également sur l’ocytocine, mais celle-ci est stimulée non plus par la prolactine, mais par la tétée du bébé. Après la sixième semaine post-natale, le taux de prolactine dans le sang diminue naturellement. À ce stade, les glandes mammaires sont principalement stimulées par la fréquence des tétées.
Cette période marque la transition du contrôle endocrinien vers le contrôle autocrine.
Les facteurs qui limitent la production autocrine
Le passage endocrine-autocrine est parfois délicat pour certaines mères qui peuvent alors ressentir une « insuffisance » de lait.
À ce stade, il est important de comprendre que la capacité de production de lait s’ajuste en fonction des besoins de l’enfant. (6) Le corps est programmé pour pouvoir produire la quantité adéquate de lait. Toutefois, le taux de production du lait varie considérablement en fonction du degré de remplissage des seins.
- Lorsque les seins sont bien remplis, la production de lait est plus lente.
- En revanche, lorsque les seins sont vidés régulièrement, la production de lait est plus intense.
Ainsi, les facteurs qui limitent l’extraction du lait, comme les mauvaises succions ou un nombre de tétées trop faibles, peuvent entraîner une diminution du volume de lait produit.
Les différences anatomiques et physiologiques chez les mères
Le sentiment d’insuffisance de lait peut être influencé par certaines variations anatomiques. La capacité de stockage du lait varie considérablement selon la physiologie des seins des mères. La taille des seins joue un rôle déterminant dans le volume de lait qu’ils peuvent contenir (80 à 600 ml).(7)
Il est d’autant plus important pour les mères ayant une petite capacité de stockage, d’allaiter plus fréquemment bébé, afin de toujours vider les seins et stimuler le contrôle autocrine pour la production de lait.
L’adaptation du bébé à la valeur calorique du lait
Un aspect important pour les mères à comprendre est que les bébés ont la capacité d’autoréguler leurs besoins alimentaires lorsqu’ils ont un accès libre au sein. La lactation suit le principe de l’offre et de la demande : l’offre de lait est régulée en fonction de la demande du bébé. La demande de lait chez le bébé est influencée par son appétit, qui est régulé par son apport calorique.(8)
Tout comme chez les adultes, un bon apport calorique augmente la sensation de faim et déclenche le sentiment de satiété. De la même manière, les bébés ajustent leur consommation de lait en fonction de leurs besoins. Certains laits maternels ont une valeur calorique plus faible, jusqu’à 15% en dessous de la moyenne.
Dans ces cas, les bébés compensent en allongeant le temps des tétées afin de boire une quantité suffisante de lait jusqu’à atteindre le sentiment de satiété.
Les meilleurs pratiques pour une lactation saine
Maintenir un climat hormonal sain
La période post-partum est souvent marquée par un tourbillon hormonal qui peut engendrer divers symptômes. Selon le Dr. Brighten, endocrinologue renommée, les femmes peuvent éprouver :
- De l’anxiété
- De la dépression
- Des troubles du sommeil
- Une grande irritabilité
- Des variations de poids rapides
- Une sécheresse vaginale.
Heureusement, il est possible de réguler ces déséquilibres hormonaux grâce à une routine bien pensée.(9) La Dr. Brighten souligne trois aspects essentiels pour retrouver un équilibre hormonal :
Une alimentation riche et équilibrée : Les mères doivent adopter un régime alimentaire riche en nutriments pour répondre aux exigences de l’allaitement. Maintenir un bon équilibre entre protéines et glucides est essentiel pour stabiliser les niveaux hormonaux.
Une activité physique régulière : Dès que le médecin traitant donne son accord, les mères peuvent commencer des exercices physiques modérés. Ces activités aident non seulement à stabiliser les niveaux hormonaux, mais aussi à améliorer l’humeur, ce qui facilite le passage à travers les déséquilibres hormonaux post-partum.
Des suppléments post-nataux : Le Dr. Brighten recommande parfois des suppléments tels que les Oméga-3, le fer ou la vitamine D3. Cependant, il est essentiel de consulter un spécialiste avant de commencer tout supplément.
Améliorer la qualité des tétées
Pour une lactation saine et une production de lait stable, tant endocrine qu’autocrine, il est important d’adopter une fréquence de tétées régulières et une succion efficace. Bébé doit être nourri dès qu’il a faim, et les mères doivent lui proposer le sein régulièrement. Bébé saura refuser si ce n’est pas le moment pour lui.
La qualité des tétées est également essentielle, notamment pour les mécanismes autocrines. L’Institut national de santé publique du Québec résume les bases d’une tétée saine comme suit (10) :
- Préparer un espace confortable et adopter une position qui soit agréable, en gardant un dos droit et les épaules alignées.
- Placer bébé de manière à ce que son menton touche le sein, avec le mamelon sur sa lèvre supérieure
- Adopter une bonne position :
- Bébé est placé à plat ventre sur la mère
- Bébé est soutenu par le bras du même côté que le sein nourricier (position de la Madone)
- Bébé est soutenu par le bras opposé au sein nourricier (position de la Madone inversée)
- Vérifier que bébé prend une grande partie de l’aréole, pas seulement le mamelon.
- Briser la succion correctement, en insérant un doigt dans le coin de la bouche de bébé pour permettre à l’air d’entrer avant de le retirer du sein.
Bibliographies :
- Tomar RS. Initiation of relactation: an army hospital based study of 381 cases. Int J Contemp Pediatr. 2016; 3(2):635-638. DOI: 10.18203/2349-3291.ijcp20161054
- Physiology, Lactation. Jaclyn Pillay; Tammy J. Davis.
- Collier RJ, Tucker HA Régulation de l’absorption du cortisol dans les tissus mammaires des vaches. J. Dairy Sci. 1978 ; 61 (12) : 1709–1714. doi : 10.3168/jds.s0022-0302(78)83792-8.
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK507829/
- Kiss A, Mikkelsen JD. Oxytocine – anatomie et attributions fonctionnelles : une mini-revue. Endocr Regul. 2005 ; 39 (3) : 97–105
- Hartmann P. Normal Human Lactation: Closing the gap. F1000Research. 2018;7 doi: 10.12688/f1000research.14452.1.
- Hartmann, 2000 ; Cregan, Hartmann, 1999
- https://shs.cairn.info/revue-spirale-2003-3-page-45?lang=fr
- https://drbrighten.com/balance-hormones-while-breastfeeding/
- https://urlz.fr/rVJl